Jardins ouvriers, culture

Parler de culture populaire me met l'eau à la bouche et me rend le palais nostalgique, car la culture populaire est surtout culture de palais : la culture de mon grand-père était aussi celle de ses jardins. Ouvrier, mon grand-père avait un jardin ouvrier. Il s'agissait d'accompagner dignement les produits de la chasse et de la pêche lorsque les fruits de la cueillette ne suffisaient pas. Les truites saumonées, les fritures de vairons ou les écrevisses, les escargots qui rendaient la pluie appétissante n'auraient souffert un ordinaire autre que venant du jardin. Peu gourmand, enfant, de légumes, ce sont surtout des fraises et de leur jus translucide et acidulé dont je me souviens.

J'ai oublié le goût des lièvres ou des perdrix. A chaque bouchée, j'avais peur que mes dents rencontrent les plombs incrustés dans la chair de l'animal et qui ne cachaient pas son destin tragique, son meurtre trop manifeste : ces animaux à poil ou à plumes m'étaient trop proches.

Cette photo témoigne que leurs dépouilles hantent encore les carrés de carottes.